La souffrance au travail dans le secteur associatif, un sujet tabou ?

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Karl Être salarié dans le monde associatif est bien souvent perçu comme une chance inestimable. Il est rare d'avoir un cadre qui permette de trouver du sens dans son travail et le secteur associatif semble être le lieu privilégié pour faire coïncider sa vie professionnelle avec ses engagements militant. Pourtant, la réalité est souvent bien moins rose. La précarité croissante du secteur va de pair avec l'expression d'un mal être persistant. Parmi les 1,8 million de salariés que compte le monde associatif absentéisme, épuisement professionnel, défection… on y trouve l'ensemble des symptômes de la souffrance au travail. Comment expliquer que des structures qui se disent si sensibles aux principes démocratiques et à la justice sociale se trouvent aussi démunis face à leur fonction employeur ? Quels sont les outils qui existent pour prévenir ces situations de détresse ? Et pourquoi en parle-t-on si peu ?

Karl Ce sont ces questions que nous vous proposons d'aborder dans ce quatrième épisode de Questions d'asso, le podcast par et pour les assos, en partenariat avec la MAIF. Pour parler de ce sujet de la souffrance au travail dans le secteur associatif, nous avons le plaisir d'accueillir Grim, une association du champ de l'accompagnement médico -ocial, et son représentant Patrick Pozo, qui, dans une autre vie, a notamment travaillé pour le l'Anact, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Bonjour Patrick.

Patrick Pozo Bonjour.

Karl Nous serons accompagnés dans cette discussion par Pascale Dominique Russo, journaliste spécialisée dans le champ de l'économie sociale et solidaire. Pascale Dominique, vous êtes l'autrice de Souffrance en milieu engagé, publié aux Éditions du Faubourg en 2020. C'est une enquête qui parle de votre propre expérience au sein d'une mutuelle de protection sociale complémentaire des associations et qui nous plonge dans l'envers du décor des entreprises sociales, que ce soit des mutuelles, des associations grandes et moins grandes. Bonjour Pascale Dominique.

Pascale Dominique Russo Bonjour.

Karl Pour animer ce podcast, j'ai moi même le plaisir d'accompagner Yaël. Salut Yaël !

Yaël Salut !

Karl Et cet épisode de Questions d'asso est réalisé par Rhéa Simon de Synchrone.tv, sur une musique de Sounds of Nowhere. Vous pouvez vous abonner à Questions d'asso sur votre plateforme de podcasts préférés sur Apple Music, Google Podcasts, mais également Spotify, Deezer et Soundcloud. Vous pouvez également écouter ce podcast directement sur notre site wwww.questions-asso.com, où vous retrouverez une version textuelle de ce podcast. Nous sommes très heureux d'être avec vous pour ce nouvel épisode de Questions d'asso. Installez vous confortablement. C'est parti!

Karl Et on retrouve Yaël pour l'édito !

Yaël Merci beaucoup Karl pour cette petite introduction. Alors avant de commencer, je vous propose de revenir sur ce qu'est la souffrance au travail parce que c'est un sujet dont finalement, on parle assez peu. Donc, du coup, de quoi parle-t-on quand on parle de souffrance au travail ? Qu'est-ce que ça recouvre ?

Yaël La souffrance au travail est un thème finalement assez récent dans le débat public. Il s'est imposé avec la série de suicides qui a eu lieu entre 2006 et 2011 à France Télécom, suite à l'introduction de nouvelles méthodes de management. La santé au travail n'est plus seulement une question d'hygiène et de sécurité, qui était un grand sujet, notamment dans les usines concernant les conditions de travail, mais elle est aussi affaire de risques psychosociaux.

Yaël Alors, qu'est ce que c'est que les risques psychosociaux ? Peut-être que beaucoup n'en ont pas entendu parler. Et pour les intimes, on dit aussi « RPS ». Alors donc, je cite les risques psycho sont : « les risques pour la santé mentale, physique et sociale engendrés par les conditions d'emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d'interagir avec le fonctionnement mental. » En gros, ce sont les risques qui viennent de facteurs qui sont d'ordre social et/ou psychologique et qui produisent du stress, de l'incertitude, du malaise et du mal-être au travail. Ça permet aussi de voir l'activité un peu différemment. Ce n'est pas seulement ce qu'il y a la sur la fiche de poste ! C'est là qu'il y a une différence qu'introduit notamment l'ergonomie sur le travail prescrit – c'est ce que vous devez faire officiellement et notamment ce qui est sur le contrat de travail, sur la fiche de poste ou dans les objectifs qui sont donnés en début de semaine, de mois – et le travail réel qui va être en fait l'activité au quotidien, c'est-à-dire avec les interruptions, les gens qui vous appellent, les coups de main que vous donnez aux collègues, etc. et les urgences ; ce qui souvent, parfois est très éloigné du travail prescrit et de ce qui était normalement initialement prévu.

Yaël Donc, cette définition vient d'un rapport qui s'appelle « Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser ». C'est un rapport qui fait encore référence aujourd'hui. Il est aussi appelé le rapport Gollac parce qu'il a été commandé par le ministère de l'Emploi, du Travail, de l'Emploi et de la Santé en 2010-2011, un peu près dans ces années-là. Et il a été commandé à Michel Gollac, qui est sociologue, spécialiste des conditions de travail, mais aussi à Marceline Baudier, qu'on oublie souvent de citer quand on parle des auteurs de ce rapport. Et d'ailleurs, ce n'est pas un hasard si c'est dans ces années 2010-2011 ; c'est bien en écho à toute l'affaire France Télécom qui a fait grand bruit à ce moment là.

Yaël Pour se redonner un peu le cadre, ce rapport a le mérite de définir un peu précisément six grandes familles de risques psychosociaux. Donc, je vais, je vais juste vous les énoncer comme ça, on les aura un peu en tête.

Yaël Le premier, c'est les questions d'intensité et de complexité du travail. Le deuxième, ce sont les exigences émotionnelles. Le troisième, c'est le manque d'autonomie et de marge de manœuvre dans son travail. Le quatrième, c'est la mauvaise qualité des rapports sociaux au travail. Le cinquième, ce sont les conflits de valeurs et le sixième, c'est l'insécurité de la situation de travail. Il y a aussi une septième famille de risques qui est un peu en décalage par rapport aux autres et qui concerne la qualité des dispositifs de prévention mis en place par l'entreprise.

Karl Et du coup, est-ce que tu peux nous donner des exemples pour qu'on visualise un peu mieux ce dont il s'agit?

Yaël Alors du coup, je vais le dire juste rapidement. Pour « exemplarifier » un petit peu.

Karl « Exemplifier » ?

Yaël « Exemplifier » oui, je ne sais pas si le mot existe… Donc, quand on parle d'intensité et de complexité de travail, en fait, c'est tout ce qui concerne la charge de travail. Donc ça va être, par exemple, la durée de la journée de travail, mais aussi la densité du travail qui est effectué. Si vous avez 10 tâches à faire en même temps ou une seule. Et là, il y a quelque chose aussi à avoir en tête, c'est que la surcharge de travail, bien évidemment, est un facteur de risques psychosociaux, mais la sous-charge aussi. Des gens qui sont désoeuvrés ou qui n'ont pas assez de travail, ça crée un mal-être et un stress également dans l'organisation. Et c'est aussi une catégorie ou une famille de risques qui amène à regarder la conciliation entre le temps professionnel et tous les autres temps de la vie, et notamment de la vie privée, mais pas que.

Yaël Le deuxième sur les exigences émotionnelles, donc là, en fait, c'est tout ce qui va être de l'ordre de la relation « public » et notamment, par exemple, du contact avec la souffrance, du devoir de cacher ses émotions, parce qu'il y a des choses qui sont difficiles. Et je pense qu'on va en parler pas mal avec l'association Grim, puisque les salariés sont soumis à des situations difficiles ou des situations de peur que les salariés doivent doivent gérer. Peut-être petite parenthèse, vous voyez bien qu'en fait, ces familles de risques, vous ne pouvez pas les enlever totalement ou en faire abstraction. C'est-à-dire vous allez toujours dans votre travail, potentiellement être à un moment donné soumis à ces différentes familles de risques. Donc la question, c'est comment est-ce qu'on va les gérer ? Mais je vais revenir, ça pose aussi une question, cette question de la gestion des risques.

Yaël Donc, la troisième, c'est le manque d'autonomie et de marge de manœuvre. Donc là, c'est tout ce qui concerne la prévisibilité du travail. Les questions de répétition du travail, de l'activité, de monotonie, d'ennui… et ce qui peut-être intéressant aussi de garder en tête, c'est qu'en fait l'autonomie, enfin le fait d'être autonome, peut aussi être facteur de risque s'il n'y a pas les moyens qui sont mis derrière. Et ça, c'est aussi important parce que souvent, on parle d'organisations qui sont horizontales où finalement, tout le monde fait ce qu'il veut et tout le monde est hyper autonome. Sauf que les personnes, finalement, ne sont pas mises en capacité de vraiment pouvoir faire ce qu'elles font. Et donc, ça peut aussi être un facteur de risque.

Yaël Ensuite, donc, la cinquième, la quatrième famille, c'est le manque d'autonomie et de marge de manœuvre. Non, ça je l'ai dit. Et donc, la quatrième, c'est la qualité des rapports sociaux au travail. Donc là, ça comprend plusieurs choses. Donc, la première, c'est la représentation que l'on a des rapports sociaux au travail. Des questions de reconnaissance, d'équité, d'intégration. Si vous êtes bien intégré à l'équipe. Des relations avec les collègues, des relations avec la hiérarchie. Donc, comment vous arrivez à participer au collectif. Comment la hiérarchie apprécie votre travail. Est-ce qu'il y a des soutiens de la hiérarchie qui sont mis à disposition des salariés. Comment se passent les relations humaines. Mais aussi avec des questions qui vont avec les questions de reconnaissance : la rémunération, la carrière, l'évaluation du travail, etc. Et c'est aussi dans cette famille de risque qu'on va regarder, notamment s'il y a des violences internes qui sont faites dans l'entreprise ou, par exemple, harcèlement moral, mais aussi qu'on va regarder la valorisation sociale du métier et ça, ça peut dépasser le cadre de l'entreprise. Je pense que c'est peut-être aussi un sujet dont on va parler puisque le travail en association, précisément, a parfois des difficultés à être reconnu comme un métier à part entière ou des métiers avec des expertises propres. Mais ça sera à développer ensuite.

Yaël Enfin, il y a les conflits de valeurs, donc là, c'est tout ce qui concerne les conflits éthiques. Peut-être pour illustrer un peu plus précisément, c'est ce dont on parle quand on dit que « la qualité est empêchée », c'est-à-dire qu'on a une vision de ce qu'est le travail bien fait, mais en fait, l'organisation ne permet pas de prendre le temps de faire bien son activité, ou il y a des urgences qu'on n'arrive pas à traiter, où on nous demande de faire du travail qu'on considère comme inutile et qui, du coup, il y a une perte de sens dans ce qu'on effectue.

Yaël Et du coup, la dernière grande famille de risque, c'est l'insécurité de la situation de travail. C'est assez important, en particulier dans le monde associatif. On y reviendra puisqu'elle concerne la sécurité de l'emploi, la sécurité du salaire, de la carrière et les questions de soutenabilité du travail. Est-ce que vous arrivez à vous projeter dans votre travail parce que votre poste existera dans X années… Et aussi cette question de « changement permanent ». Donc là, ça va avec des questions d'outils de management, notamment, de pratiques qui évoluent et qui amènent les salariés à toujours devoir s'adapter aux changements soumis par le management.

Karl Mais du coup, les caractéristiques individuelles des personnes, leur personnalité, leurs trajectoires personnelles ne jouent pas de rôle là-dedans ?

Yaël Alors, ça en joue, mais en réalité, c'est rarement déterminant. Et ça, c'est peut-être un apport qui est important des études qui portent sur le handicap, donc c'est ce qu'on appelle les disable studies – peut-être que je le dis mal avec le mauvais accent, mais vous aurez compris – qui comprennent la situation de handicap, comme le résultat d'un processus social interactif et qui mettent l'accent sur le caractère handicapant de l'environnement et non sur les déficiences individuelles. Donc, en fait, ça permet aussi de sortir de la responsabilité qui serait uniquement individuelle. Et d'ailleurs, souvent, on entend « Ah, mais si ça se passe mal, c'est parce que c'est Mme Michu ou M. Michu qui a un caractère horrible ». Et en fait, ça, ça oblige aussi à responsabiliser les organisations et les employeurs pour les amener aussi à agir sur les structures, ou en tout cas à repenser l'organisation par rapport à ça.

Yaël Peut-être juste pour finir. Et puis après, on rentre dans le vif du sujet avec nos invités. Il y a quand même pas mal de controverses qui existent sur cette notion de risques psychosociaux. Justement parce que si ça permet de connaître l'état de santé d'une organisation et que ça incite les organisations à agir et à formaliser des objectifs, des procédures qui permettent d'assainir un peu les relations au sein de l'entreprise. En fait, ça va aussi avec une logique de prévention des risques qui, bien souvent, se limite à, comment dire, à gérer à la marge les problèmes et à ne pas réfléchir aux causes organisationnelles des problèmes. Et là, il y a des ergonomes qui ont une image qui est assez parlante, qui parle de nuage toxique. Donc, en fait, ils disent que c'est comme si les risques psychosociaux étaient un nuage toxique qui flottait autour de l'entreprise et que du coup, en fait, on va mettre en place des campagnes de prévention qui vont servir pour les personnes les plus fragiles ou les plus à risque, à mettre par exemple des masques à gaz pour ne pas qu'elles meurent. Mais en fait, on ne va pas du tout agir sur le nuage toxique. Et donc du coup, c'est pour ça qu'il y a notamment pas mal, depuis quelques années, des politiques de qualité de vie au travail qui émergent et qui sont censées normalement répondre à cette insuffisance en proposant de partir de l'activité des salariés et d'amener une réflexion au sein de l'entreprise sur le travail effectué et sur sa qualité. En tout cas, ce qui fait qualité, d'avoir un discours dessus. Bon, je vais m'arrêter là pour pas être trop longue, mais ça me semblait important de reposer ce cadre pour savoir un peu de quoi on parle et peut-être que ça pourra aider certains salariés ou représentants d'associations à être plus vigilants sur justement ces facteurs de risque que peut favoriser leur organisation.

Karl Et j'en témoigne parce que moi, je ne connaissais rien de tout ça en tant que dirigeant associatif.

Yaël Alors du coup, j'enchaîne tout de suite. Merci Karl. Donc Patrick, merci d'être avec nous pour parler de ce sujet qui est quand même important et finalement assez peu traité dans l'espace public. Donc, Grim, c'est une association du champ de l'accompagnement médico social qui a été créée en 1987. Vous êtes une vieille association…

Patrick Pozo Oui.

Yaël …dans le Rhône, alors on souhaitait aborder ce sujet de la souffrance au travail avec vous suite à un article que vous avez publié sur le site de l'institut ISLB qui est un think tank sur l'entrepreneuriat associatif, et dans lequel vous revenez sur les dispositifs que vous avez mis en place au sein de votre structure pour prévenir la souffrance au travail. Donc, le titre de l'article, mais tout sera en référence sur notre site, donc c'est : « ESS et innovation managériale, l'expérience de Grim. Élaboration collective de la décision pour prévenir la souffrance au travail ». Mais on y reviendra. Pour commencer et pour celles et ceux qui nous écoutent, voient un peu plus clair sur ce qu'est Grim et qu'on ait un peu le contexte avant de rentrer tout de suite sur les questions de souffrance au travail. Je vous propose de vous poser trois questions qu'on pose à toutes les associations qui viennent nous retrouver dans notre podcast ; c'est la carte d'identité de l'association. Pour commencer, Patrick, est ce que tu peux nous décrire tout simplement ce que fait Grim, quelle est son activité.

Patrick Pozo D'accord, merci pour cette longue et pertinente introduction. Et merci Karl aussi de votre invitation. Le sujet est tellement vaste que… alors rapidement, je me positionne deux minutes. Je ne suis pas ergonome, je ne suis pas psychologue du travail. Je ne suis pas non plus un spécialiste de l'accompagnement médico social, médecin ou autre. Je viens ici témoigner à titre de président de l'association Grim. Alors si vous voulez, avant de rentrer un petit peu dans Grim, je vais prendre deux petites minutes. En tant que président, j'ai pris mes fonctions à peu près maintenant, pratiquement deux ans. Le président, c'est l'employeur, donc je vais vous parler uniquement de ma vision sur l'axe politique de cette organisation justement dans sa préservation. Globalement, je vais avoir trois thèmes 1) la cohérence d'ensemble entre la gouvernance et les salariés, 2) comprendre les enjeux du médico social et vous l'avez fortement judicieusement évoqué sur l'évolution de la notion de ce qu'est le handicap qui, aujourd'hui, est totalement différent. Et puis surtout aussi 3) innover.

Patrick Pozo Après, en tant que président, l'axe qu'on est en train de développer avec les salariés, en tant que la direction générale, ils sont relativement simples. Il y a l'articulation avec les parties prenantes. On a vu qu'on est pas seuls, il y a des salariés, il y a les financeurs, il y a des partenaires. Premier point. La conciliation de l'équilibre entre la gouvernance et la dirigeance et les experts que sont les salariés. Et puis ensuite, la place des professionnels. Quand j'aurais pu… ce n'est pas un ordre de priorité. Je peux renverser la chose et dire la place des professionnels et surtout la régulation des tensions.

Yaël Et peut être juste pour clarifier pour les auditeurs, les professionnels, ce sont les salariés.

Patrick Pozo Oui, les salariés de l'entreprise. Oui, pardon. Quand j'emploi le mot professionnel, ce sont les salariés… alors j'ai dit de l'entreprise, de l'Association Grim. Alors, je vais vous la présenter rapidement. L'Association Grim est une association qu'on appelle gestionnaire. Elle fait partie du secteur médico social parmi 36 000 autres à peu près. Grim a la particularité, si vous voulez d'être un peu spécialisée au sens large du terme sur l'accompagnement social des personnes avec troubles ou handicaps psychiatriques, donc pas mental et pas d'autres handicaps. Et a pour objectif si vous voulez d'accompagner ce rétablissement. Grim, c'est quoi ? c'est 150 salariés, 160 salariés. C'est à peu près 8 à 10 millions, selon le code de chiffre d'affaires, de prestations financées, ce ne sont pas des subventions. Et puis, c'est une organisation à deux pattes. Vous avez donc un axe… alors on accompagne 2.000 personnes, donc 2.000 personnes, dont 1600 personnes à peu près sous le titre de la protection tutélaire, donc sous contrôle du juge. Donc, on a des mandataires judiciaires, à peu près 80 salariés qui accompagnent ces personnes-là. Et puis, on a une autre patte. On est pratiquement les seuls à faire ça. On est très très peu en France, en tout cas, peut-être deux ou trois à avoir à côté de cet accompagnement tutélaire – alors le mot protection, on verra, on le débattra – un accompagnement social autour de la notion d'habitat inclusif. Pour se faire on accompagne à peu près 400 personnes. Donc une première partie dans des appartements diffus, c'est à dire que des personnes qui vivent comme vous et moi dans des appartements diffus à peu près 50 personnes. Diffus, c'est à dire noyées dans la ville de Lyon ou ailleurs, et qui sont bien sûr étayées de manière très, très légère par notre accompagnement social. Nous avons aussi une logique qui vient casser la notion de foyer ou d'hébergement, puisque c'est plus le mot qu'on emploie. On appelle ça des maisons du Grim. On a donc trois structures qu'on a limité à 15 personnes maximum accompagnées, qui sont ouvertes sur la ville. Qui étaient à l'origine des foyers, mais qui se sont vraiment transformées, qu'on appelle les maisons du Grim et qui accompagnent 50 personnes à peu près, 45 exactement dans ces maisons. Donc, les personnes sont libres d'aller et venir et bien sûr, sont accompagnées par des professionnels. Et puis, le troisième point qu'on a. Donc les 300 personnes qu'on accompagne. On les accompagne sur leur lieu de vie au travers des dispositifs qu'on appelle des services médico sociaux, donc SAVS, services d'accompagnement à la vie sociale, ou des SAMSAH, services d'accompagnement médico-sociaux pour adultes handicapés.

Patrick Pozo Je voulais juste préciser parce que c'est important quand on parle d'association, c'est que 80% des salariés de Grim, même 90, sont tous titulaires au moins d'un bac +3, 4 ou 5. Donc, on est bien sur une association d'experts. Voilà pour présenter l'association.

Yaël Merci beaucoup, Patrick. Peut-être justement, dans le prolongement parce que tu nous a déjà parlé un peu des financements.

Patrick Pozo Oui…

Yaël Est ce que tu peux peut-être revenir sur les financements et la structure du budget, parce que tu parlais beaucoup de prestations…

Patrick Pozo Alors, ce qu'il faudrait comprendre, parce que pour casser un petit peu, comment dirai-je, quand on n'est pas dans le milieu associatif et je n'y étais pas avant, et quand on y entre… sur ce que pense le quidam moyen sur l'association… Donc il y a l'association qui vit de subventions et donc je ne sais pas, l'association qui s'occupe de la pétanque ou pas, qui vient demander une subvention pour animer quelque chose. Et ensuite, vous avez les associations pour le coup, celles que Pascal Dominique aussi a regardées dans son ouvrage qui vient de répondre à une commande publique, c'est à dire que l'État, dans les politiques sociales, il les a sous traitées entre guillemets. Il n'a pas fait ça pour les commissaires de police, il l'a fait pour l'association, on pourrait peut-être après en débattre. Et il sous traite, si vous voulez l'accompagnement social, le médico social auprès d'acteurs initialement qu'étaient les familles au départ. Et puis il s'est dit « Écoutez, c'est super et je vais trouver des acteurs pour le faire ». Donc, le premier point déjà, c'est que l'association Grim, comme celles qui sont gestionnaires, vit sur ce qu'on appelle des appels à projets, en tout cas, vit sur une commande publique qu'on appelle l'intérêt général. Et elle y répond.

Yaël Et vous avez quand même une activité militante ?

Patrick Pozo Alors, mon souci… puisque c'est quoi le militantisme ? Il faut voir. On a effectivement une activité militante. On parlera peut-être de souffrance au travail sur le sens des salariés. Nous, on a considéré que Grim était expert, donc s'appuit sur les salariés, donc on se concentre sur le métier. Et on a créé à côté une union d'associations non gestionnaires, justement pour être libres de pouvoir parler parce que c'était très difficile de critiquer celui qui vous paye, celui qui vous finance. On est ici un donneur d'ordre. C'est comme relation client-fournisseur. On pourra aller plus loin, donc on a créé ce qu'on appelle une union. Ça s'appelle les Couleurs de l'accompagnement. C'est dans la région Rhône-Alpes, l'union associative de 8 associations dans le trouble psychiatrique, donc il y a l'association Messidor, Espoir 74… une nouvelle qui vient nous rejoindre, qui s'appelle Espairs, qui ce sera super important et qui vient être dans la pair-aidance. Enfin on parlera de tout ça. Et cette union d'associations qui ne gère rien va être à la fois un espace de discussion pour les salariés qui peuvent se rencontrer, pour les directeurs qui peuvent échanger des pratiques, donc qui ne sont pas isolées au sein et surtout, c'est elle qui milite. Elle milite notamment par des campagnes de communication. Je vous laisse aller sur Google et taper campagne « ET ALORS ! » Ce sont des campagnes de déstigmatisation. Donc, aujourd'hui, la dernière campagne, ce sont 200 illustrateurs de BD assez connus qui ont travaillé pour nous. Et voilà. Donc, si vous voulez, on a… pour éviter que le salarié ou le professionnel se trouve tiraillé entre le métier d'accompagnement qui est relativement complexe en psychiatrie et son militantisme. Donc, il est, on va dire, déchargé de ça, mais entre guillemets.

Yaël Merci beaucoup pour cette clarification. Et du coup, peut être justement que si on revient sur Grim, est-ce que tu peux nous préciser de l'organisation de l'association et notamment la place que les salariés ont dedans ?

Patrick Pozo D'accord. Alors, on peut considérer que Grim est une entreprise comme une entreprise, alors à la différence qu'elle n'a pas de but lucratif et que, etc. Mais en tout cas, les obligations juridiques qui pèsent sur elles sont les mêmes qu'une entreprise classique : le droit du travail, le droit économique, les commissaires aux comptes… enfin on a les mêmes logiques d'obligation de performance, en tout cas économique et juridique. À la différence près que sa gouvernance, son conseil d'administration, il n'y a pas d'actionnaire, est équilibré. Maintenant, la question posait la place sur le salarié. Donc l'organisation, elle est classique. On a un directeur général, qui est une directrice générale que je salue, Bénédicte. Qui, elle, anime si vous voulez l'animation professionnelle, appuyée par deux directeurs, deux directeurs de territoires. On a coupé le département qui est assez grand en territoire et non plus en spécialisation. Donc un directeur de territoire qui va avoir pour objectif sur un territoire de regarder à la fois l'accompagnement juridique et à la fois l'accompagnement social. Avant, c'était en silo. Donc deux directeurs. Et puis on a créé, bien sûr, un directeur de l'innovation. Et celui qui fait le lien, c'est aussi le directeur des parcours. Donc déjà, on a cette notion là. Le lien avec les salariés. C'est très simple. La direction générale fait partie du bureau de l'association. En titre, ce qui est relativement rare. Et à chaque conseil d'administration, tous les directeurs ou chefs de service sont invités. Donc ils participent, pas avec un droit de vote. On entend réfléchir sur un collège salarié, mais bon, voilà un peu le lien qu'ils ont avec nous.

Karl Et ça veut dire que l'association a des membres ? qui, qui sont les membres de l'association ?

Patrick Pozo Alors, on a des personnes morales au conseil d'administration, donc par exemple l'Unafam, Santé mentale France… enfin les institutions représentatives de la santé mentale en France. On a des représentants du monde de la protection, donc la FNATH, etc. Et des personnes morales, par exemple on a des personnes morales qualifiées, donc on a une jeune personne qui est spécialisée en communication. On a un jeune aussi qui est spécialisé en numérique et qui viennent d'apporter leurs compétences. À peu près 15 ou 20 personnes dans le conseil d'administration. Et innovation aussi qu'on a aussi. On est peut-être les premiers à le faire. On a changé les statuts. La vice présidence de l'association est obligatoirement tenue par une personne concernée. Actuellement la vice présidente, c'est elle qui vient avec moi pour toutes les réunions, est une personne qui est concernée, c'est-à-dire qu'elle a vécu un lourd lourd chemin psychiatrique. Aujourd'hui, elle est plus ou moins en rétablissement avec toujours ses problèmes, mais c'est elle la vice présidente. Et c'est elle quand on rencontre politiquement les élus, par rapport au militantisme, on l'a déportée sur l'Union des couleurs et c'est elle notre représentant militant. Quand on rencontre les élus, le maire de Lyon, ou je ne sais pas quoi. C'est la vice présidente qui s'exprime, et pas Patrick Pozo.

Yaël D'accord, c'est hyper intéressant. Merci beaucoup, Patrick, pour ce premier aperçu. Si on a fini justement cette question un peu de la place de salarié dans l'organisation, c'est que ce n'est pas totalement étranger à la question dont on va parler aujourd'hui sur les conditions de travail et notamment sur la manière dont sont prises les décisions stratégiques au sein de l'entreprise. Et du coup, voilà comment comment est traitée cette question de la condition de travail et donc on passe à la première partie de cet entretien.

Karl Première partie qui va être dédiée, justement, à comment est-ce que à Grim vous en êtes venu à aborder cette question de la souffrance au travail. Et peut-être que, voilà Yaël nous présentait les différentes familles de risques psychosociaux, est-ce que Patrick, tu pourrais nous expliquer justement en quoi le métier de professionnel, le métier des professionnels même, de Grim comporte des risques ?

Patrick Pozo Alors, la première… ce qui est important, c'est de partir du contexte. L'évolution de ce qu'est cette politique sur le handicap, comment elle a été construite. Comment elle a été construite culturellement et comment on a construit culturellement les professionnels dans la formation. C'est simple. Aujourd'hui, on s'est aperçu que globalement, la France a construit son handicap sur la notion d'incapacité et d'incapacité de la personne handicapée sur une logique de protection. Donc, on a construit des établissements dont on sortait des personnes du droit commun et on les mettait dans des établissements où ils étaient sortis du droit commun. Et les professionnels ont été formés sur une logique « je les protège ». Et je vais peut être aller plus loin, se substituer un peu petit à eux. Donc on avait à la fois une substitution du professionnel. Et puis ça, c'était le principe. Évolution, les années 2000, donc, la Convention de l'ONU sur la personne handicapée que la France est signataire, qui vient totalement bouleverser l'approche sur le handicap. Qui vient dire ce que vous avez dit Yaël, que le handicap n'est pas une question de personne, pas que, mais c'est surtout une question d'interaction avec son environnement. C'est bien parce que le droit commun n'est pas adapté à recevoir quelqu'un qui se retrouve handicapé. Et c'est bien le sujet sur lequel il faut travailler. Donc, c'est ce premier point. Et ce premier point iI vient mettre dans le débat à peu près dix ans, ce qu'on appelle la notion de société inclusive. C'est à dire que la société inclusive… alors tout le monde emploie ce mot-là, mais il est relativement simple à comprendre, c'est à dire que chacun est sujet de droits, handicapé ou non. En tant que sujet de droit, je suis titulaire de mes droits fondamentaux qui sont inaliénables, imprescriptibles et universels, et j'accède au bien commun.

Patrick Pozo Et donc qu'on se retrouve alors pour le coup dans un paradoxe assez fort. C'est à dire qu'on va demander à un professionnel, notamment dans la protection judiciaire : il faut vous protégiez le patrimoine de cette personne-là, c'est la loi qui a été conçue comme ça. Puis en 2007, vous protégez et aussi vous les rendez autonomes. Donc tous les professionnels du médico social sont confrontés aujourd'hui à ce qu'on appelle une injonction paradoxale : vous devez sécurité, protection, mais en même temps, vous devez les inclure. Or, je vous donnerai peut être des exemples. Je ne sais pas si je parle trop ou pas, mais c'est le premier point. Parce que quand vous avez, par exemple, on a eu des cas, peut être dans une autre vie, pas celle ci, mais des cas graves de personnes handicapées – j'ai dirigé Trisomie 21 France en tant que directeur général à un moment donné – vous avez une personne qui se noie dans un canal, vous êtes tout de suite mis en cause. Vous n'avez pas assez protégé alors que c'est un accident de droit commun. Donc on a retrouvé ça. Donc le salarié qui est confronté à ça, ou la dirigeance ou la gouvernance, elle a deux solutions. Je me referme sur moi-même. Ou je prends le champ de l'évolution sociale, de la demande sociale.

Patrick Pozo Et donc on a constaté cette souffrance au travail. Je vous donne un exemple. Par exemple, vous avez une personne accompagnée avec troubles psychiatriques et qui dit « moi, je ne veux plus vivre dans les maisons du Grim, je ne veux plus vivre en appartement que vous m'avez donné, je veux vivre dans une yourte en Ardèche ». C'est un choix de vie. Il y a 20 ans, on aurait dit non. Et puis, la personne aurait peut-être décompensé, puis elle serait retournée à l'hôpital, peu importe… Aujourd'hui on le prend en compte. Mes salariés, lui qui a été formé il y a 40 ans, qui a été formé il y a 20 ans, me dira « mais attendez, comment on va faire ? » Il va se retrouver démuni. Voilà. Donc, on a ce premier problème si vous voulez de sens par rapport à l'injonction de la demande sociale qui vient, qui est paradoxale ou qui vient en opposition à la l'injonction normative que l'Etat vous donne sur la sécurité. Puisque en tant qu'employeur, je suis responsable juridiquement. Donc, j'ai aussi intérêt à dire, enfin si je voulais pas. Donc, il faut mettre en place des systèmes de régulation par rapport à ça. Ça, c'est le premier point.

Patrick Pozo Deuxième point. Ecoutez, c'est quand même les professionnels qui sont qui travaillent dans ce secteur là, quel qu'il soit, c'est quand même aussi une vision tous les jours qui n'est pas très, très rose. Je ne suis pas publicitaire, ou du moins dans le marketing, je ne sais pas où. On vient travailler sur des gens qui ont les soucis, qui ont des problèmes. Et puis surtout dans le trouble psychiatrique, ce qui est difficile pour les salariés, c'est que ce trouble là, il n'est pas linéaire. Autant le handicap mental ou l'handicap physique, il est assez linéaire. Les personnes varient, donc vous avez des réussites. Et puis, le lendemain, un échec. Et puis une réussite. Donc on est sans cesse en régulation. On a des outils pour ça qu'on a mis en place, mais on en parlera peut être si vous voulez. Je sais pas si j'ai répondu.

Yaël Ah si, si ! Merci beaucoup, Patrick. Et justement, est ce que tu peux peut-être nous dire… parce que je crois qu'il y a eu, en tout cas dans l'article publié sur le site ISBL, tu montes qu'il y a eu une évolution d'approche de Grim sur ces questions-là et que vous avez en fait un peu revu vos systèmes, vos dispositifs de régulation. Est-ce que tu peux nous parler de ceux que vous aviez avant 2019, puisque je crois que c'était à ce moment là que vous avez chargé et peut-être les questions que vous vous êtes posées. Et puis après…

Patrick Pozo Alors avant 2019, avant ces choses existaient. Les espaces de discussions informelles, pas au sens de l'Anact. Il y a les formels : le CESE, le CHSCT, le dialogue social… et puis après, il y a les espaces de discussions informelles.

Yaël Alors peut-être juste pour repréciser parce que là il y a eu beaucoup d'acronymes d'un coup.

Karl Oui, oui (rires)

Patrick Pozo Alors, l'Agence nationale pour les conditions de travail, qui définit sur son site quelques points ce qu'est un espace de discussion dans le monde du travail. Donc, il y a ceux qui sont officiels : le dialogue social obligatoire tous les ans, l'entretien individuel, le CESE, enfin l'ancien CHSCT qui s'appelle le CESE maintenant…

Karl Et donc qui veut dire CESE… ?

Pascale Dominique Russo Alors c'est le Comité économique et social qui a remplacé le CHSCT. C'est l'instance qui s'occupait de la santé au travail qui est remplacée par le CESE. Alors moi, c'est très récent, mais j'ai écrit quelque chose sur les ordonnances Macron qui ont changé ça. C'est-à-dire que ça a intégré l'instance du CHSCT – ça date d'il y a 3 ans – qui a intégré le CHSCT au sein du comité d'entreprise. En fait, ça a réduit quand même la portée de la question de la santé au travail. Ça la réduit au sein au sein de l'entreprise.

Yaël Merci Pascale-Dominique pour cette précision. Et peut être juste pour le dire, peut être plus simplement. En fait, ça appartient, et c'est en cela que Patrick, tu disais que ce sont les instances officielles, ce sont des instances de représentation des salariés, des professionnels qui en fait, sont obligatoires. C'est à partir, je crois que c'est 20 ou 50 salariés. Il y a des paliers qui font que t'es obligé de les mettre en place.

Patrick Pozo Ces espaces existent et nous pouvions considérer à l'époque probablement qu'ils étaient suffisants. Et puis il y a eu des espaces parallèles qui se mettent en place alors dans le monde du médico social, il y a ce qu'on appelle l'analyse des pratiques. Donc, tous les deux ou trois mois, les salariés se voient avec un réviseur de pratiques. Alors pour le coup, l'analyste des pratiques, il est juste là pour regarder si on est dans les normes des recommandations de différentes autorités de santé. La Haute Autorité de santé émet des normes sur la bienveillance, la maltraitance sur tout un ensemble de choses. Et puis on va s'assurer, collectivement, que nos pratiques sont conformes aux normes. Mais le sujet qui nous intéresse là, ce n'est pas celui ci. Entre le prescrit, le réalisé et ce que je ressens ; c'est bien ça, le triptyque qui fait que je suis un peu écartelé. On avait des mandataires judiciaires qui accompagnent les personnes en protection qui se retrouvaient avec des personnes qui revendiquaient une autonomie. Puisque c'est quand même violent la protection judiciaire. C'est quand même le juge qui le défait, c'est la famille, les personnes ne sont pas en général volontaires ou très peu. Ils sont déjà souvent sous une forme de contrainte. Et ensuite, si vous avez un salarié qui dit « mais moi, comment je fais? » Pour à la fois, l'autonomiser, lui autoriser à partir dans une yourte et en même temps lui dire « faut pas dépenser, c'est comme ça ».

Patrick Pozo Donc on a décidé… alors c'est parce que M. Vidal-Naquet, un sociologue qui est venu pendant une année, regardait un peu nos pratiques. Et puis, on a créé ce qu'on appelle commission sociale, qui est quelque chose qui existe, qui n'est pas normée dans le marbre et qui est une approche collective qui peut être le salarié, des tiers-médians au salarié, la personne elle-même, enfin qui on veut, un psychologue ou pas. Et qui vient regarder sous l'angle du salarié, les problématiques auxquelles il est confronté, écartelé. On vient de créer une autre cellule qui se met en place et s'appelle la cellule Care. On a embauché un psychologue pour ça et qui fait la même chose, mais du point de vue de la personne accompagnée. Donc, on a deux triptyques et après la rencontre de tout ça feront qu'on essaiera de réguler ces espaces.

Karl et il donne du coup des avis ou il est prescriptif ?

Patrick Pozo Alors pour le coup, c'est en fonction des besoins des personnes. C'est à dire que nous, on est tellement dans les normes qu'on n'a pas envie que ce soit normatif. C'est normatif au sens où il existe, mais on veut donner cette souplesse là parce que ce qu'on a mis en place comme outil stratégique, c'est le droit à l'erreur. L'approche par le handicap, par les droits, c'est le citoyen il doit se tromper. Donc, on a mis en place cette logique stratégique, si vous voulez, le droit à l'erreur pour tout le monde. Alors le droit à l'erreur, c'est pas faire n'importe quoi. Et c'est ce droit à l'erreur qui nous permet de mettre en place des régulations parce que une personne accompagnée peut se tromper. Moi, je veux aller dans un appartement de droit commun. Et puis, six mois après, ça ne va pas bien. Je vais revenir au droit à l'erreur. On le prend et le droit à l'erreur de l'équipe qui a accompagné une personne dans une décision. Il est aussi accepté. Et donc, à partir du moment où on met le droit à l'erreur concerté, on n'est plus dans un système normatif et chaque cas est regardé par un tiers. C'est régulé et sécurisé au niveau de son organisation formelle. Un petit peu comme aujourd'hui, on a des techniciens, vous êtes là, on est là. Et après, les décisions se feront en fonction de… parce qu'on a des systèmes normatifs, le CESE… enfin on a plein de choses qui sont assez normatives et on veut le laisser libre selon les besoins des personnes qui fluctuent.

Yaël Donc, si je comprends bien, ça veut dire que ces institutions informelles, ce sont les salariés ou les bénéficiaires qui peuvent les demander ?

Patrick Pozo Tout à fait.

paragraph-68 Donc ce n'est pas ancré dans le planning, dans l'organisation du travail.

Patrick Pozo Ah non, non. Elles sont là, elles sont écrites dans nos statuts. Elles sont financées en termes de temps, de ETP. Mais elles ne sont pas systématiques, donc un bénéficiaire –quand je dis bénéficiaire ou c'est son périmètre, sa famille ou pas – et bien ils peuvent saisir la cellule Care ; la saisir, c'est à dire je demande au psychologue et puis qui veut – enfin, il y a quand même des limites – et là, on va regarder ce cas. Et puis, le salarié qui est confronté à une problématique que ne peut pas résoudre l'analyse des pratiques parce que ça dépasse le champ. Parce que l'analyse des pratiques, c'est ce que tu fais bien ton accompagnement. Là, j'ai une injonction contradictoire.

Yaël Oui, et puis, vous êtes aussi dans une situation d'incertitude. C'est ce que vous disiez, on ne sait pas forcément si ce qu'on va faire, la décision qu'on va prendre vont être bonne ou pas bonne.

Patrick Pozo On n'est que dans l'incertitude. C'est pour ça que la souffrance, elle est là. Parce que vos décisions sont toutes incertaines par définition. Ce n'est pas un mécanicien-auto qui répare une voiture.

Yaël Merci beaucoup, Patrick. Ce que je vous propose maintenant, c'est de passer à la deuxième partie de cette émission. Rebonjour Pascal Dominique. Donc je rappelle vous avez publié l'année dernière, en 2020, une enquête qui s'intéressait aux entreprises sociales, qui s'appelle Souffrance en milieu engagé. Et qui part de votre vécu, de ce que vous avez pu vivre quand vous étiez dans une mutuelle précisément de protection sociale, ce qui peut paraître peut être paradoxal, mais justement, on va en parler. Et où vous avez finalement décidé d'aller un peu explorer quelles étaient les conditions de travail. Donc à la fois dans les mutuelles, puisque c'était de là où vous partez, mais aussi dans des grandes entreprises, dans des grandes associations – le lapsus est révélateur –, dans des petites associations… Pour voir un peu omment ça se passait. D'ailleurs le constat que vous menez est assez alarmant. Est-ce que vous pouvez pour commencer peut-être réagir sur ce qu'a dit Patrick et peut-être de dire par rapport à vous, les observations que vous avez fait sur vos terrains, comment est-ce que cette question de la souffrance au travail est habituellement traitée par les organisations. Et est-ce ce que vous avez vu dans la grande majorité, rejoint cette attention dont parlait Patrick, ou en fait c'est très minoritaire ?

Pascale Dominique Russo Alors bon, au préalable, j'ai envie de dire que je ne prétends pas avoir une approche de toutes les structures. Néanmoins, mon livre Souffrance en milieu engagé reste un livre qui… L'enquête me fait penser qu'il y a quand même là un système, une tendance générale du monde associatif et du monde mutualiste. Mais c'est avec toute la nuance qu'il faut prendre, comme dans beaucoup de choses. D'abord, j'ai envie de revenir sur ce qu'a dit Patrick Pozo, qui est très intéressant. Je ne sais pas s'il y a beaucoup d'autres structures qui ont pris des décisions comme ça, mais c'est tout de même intéressant de savoir qu'il y a déjà une éventualité d'un conseil de salariés en termes de gouvernance, c'est quand même excellent. Ça fait penser un peu à ce qui se passe dans des sociétés coopératives d'intérêt collectif ou là, on est vraiment dans la représentation de salariés. On va voir ce que ça va donner. D'ailleurs, ça commence. Je connais des exemples. Et puis, cette espèce de veille permanente sur la souffrance des salariés, avec les usagers qui sont quand même de grandes difficultés psychiques, me parait un chemin vraiment innovant. Là où je m'interroge, peut-être Patrick pourrait y répondre, c'est quelle est la position des syndicats, s'il y en a, à ce sujet là. Voilà, c'est une petite question.

Patrick Pozo Alors, je peux répondre tout de suite…

Karl La journaliste reprend le pas.

Patrick Pozo Ce qu'il faut souligner, si vous voulez, c'est que les représentants des personnels sont toujours associés à ces décisions structurantes. Par exemple, le télétravail on fait des enquêtes, enfin ce qu'on appelle des espèces de référendum. On a mis ça un peu avant que la loi l'autorise, et à partir du moment où ont compris que l'intérêt de ces structures était la régulation de cette souffrance au travail ou l'approche systémique de la qualité de vie au travail dans toutes ses composantes sociales, performance sociale, etc. Ils y sont favorables. Parce en même temps, on a mis en place un autre outil, on verra peut-être tout à l'heure, on est en train de mesurer notre impact socio-économique. C'est-à-dire qu'on n'est plus dans une question de coût, donc j'ai recruté une apprentie en master 2 qui a fait un premier travail pour mesurer notre impact socio-économique sur un territoire. Et quand le salarié dit « Je ne suis pas qu'un vecteur de coût » parce que c'est ce qu'on lui dit souvent « vous coûtez tant ». Et non, je rapporte, par exemple, pour faire simple aujourd'hui l'accompagnement juridique d'une personne, avec l'accompagnement social, va éviter par exemple un coup d'hospitalisation. Je rappelle l'hospitalisation, c'est 800 euros/jour, 1000 euros/jour dans un contexte difficile. Aujourd'hui l'appartement, la maison du Grim, c'est 50 euros par jour. Donc, on voit bien qu'on l'a si vous voulez intégrer dans un mode économique. Et aujourd'hui, pour un euro investi, en tout cas dans la protection des majeurs, ça rapporte 1,05 pour la société. C'est à dire que c'est bénéfique, pour plein de raisons. À partir du moment où le salarié, c'est un long chemin parce qu'il n'en voit pas tout de suite le fruit, eh bien on a ça. Moi, je suis assez satisfait. Je ne dis pas que c'est 100%. Il faut bien sûr mesurer les choses, mais c'est le dialogue social, c'est le rôle du professionnel, la directrice générale et le directeur pour ça. Et merci Pascale, parce que je voulais dire que votre ouvrage est parfait. Je le dis maintenant parce que je ne sais pas si on aura le temps. Et puis, il me sert de guide en même temps, parce que je suis issu de ce milieu là, j'ai lu votre ouvrage avant qu'on se rencontre, et on est dedans.

Pascale Dominique Russo Écoutez, merci pour cette appréciation du travail d'enquête que j'ai fait. En tout cas, ce que vous dites, Patrick, ça va vraiment à l'encontre de tout ce que j'ai pu observer. Je pense par exemple à France Terre d'asile, qui est vraiment l'exemple même de la structure associative où il y a mille salariés et où le coût social, le coût… ce qui compte, c'est le moindre coût ; gérer les appels d'offres à moindre coût et où jamais n'est calculé ce qu'apporte le salarié à la société. C'est-à-dire la plus-value sociétale, la plus value sociale qu'apporte le salarié à la société en s'occupant de migrants, c'est-à-dire que le directeur, l'ancien directeur, on peut le citer, Pierre Henry, ce n'est pas gênant, il assume totalement sa position. Et il est cité dans le livre. Il dit : et voilà, il y a du turn over. Ce n'est pas grave. Les gens s'en vont, ils sont rincés en fait, ils sont complètement rincés par leur travail et au lieu de s'interroger pour qu'ils ne soient pas rincés, eh bien. Et justement, de mettre en place des outils sur ce qu'ils apportent à la société en s'occupant de jeunes migrants, par exemple, ou en travaillant dans les centres de rétention administratifs… eh bien non. Jamais ça n'est venu à l'idée de ce directeur et du conseil d'administration qui pourtant est un conseil d'administration qui est composé de personnalités de grandes valeurs, de personnes, de personnalités du Conseil d'Etat, des personnalités qui sont engagées auprès de l'enfance… alors là, on aborde une autre question. Mais bon, ce n'est pas la question de la gouvernance. Voilà. Comment se fait il que entre une présidence et un conseil d'administration où l'on retrouve des salariés qui n'arrivent pas à se faire entendre des syndicats… des personnes se taisent sur le mode de management du directeur. Ça, c'est une des entreprises associatives.

Pascale Dominique Russo Là je dirais une entreprise associative parce qu'elle est vraiment menée comme une entreprise un peu classique, sans réfléchir vraiment justement, aux coûts évités pour la société, ce que rejoint Patrick. Donc j'ai travaillé, j'ai enquêté sur France Terre d'asile. Peut-être, maintenant, c'est mieux parce que la direction a changé. Il y a aussi un phénomène personnel. Il y a aussi ce que… je ne sais pas. C'est une femme qui a pris la direction. J'ai enquêté donc sur Emmaüs, sur les trois structures d'Emmaüs : Emmaüs Solidarité, Emmaüs Internationale et Emmaüs France. Et j'ai enquêté également sur le groupe SOS qui est un mastodonte donc, sur une fraction du groupe et sur les systèmes. Et puis j'ai enquêté sur le fonctionnement de petites associations. Alors, vous vouliez que peut être que je ressorte un peu les grandes lignes.

Yaël Oui, s'il vous plait, et aussi peut être les différences que vous aviez observées entre les grandes associations et les petites associations qui, à priori, n'ont pas les mêmes problématiques.

Pascale Dominique Russo Oui, alors, la souffrance elle ressort dans toutes les structures. Dans toutes les structures, dans les petites, ce qui en ressort c'est que le salarié est seul, souvent très seul, parfois il se défonce vraiment pour le projet associatif. Il est lui même, d'une certaine façon, à la fois au conseil d'administration et ses salariés en même temps. Il est les deux, c'est son projet et c'est le projet du conseil d'administration, des élus. Mais quand il n'y a plus d'argent, comme c'est souvent le cas en ce moment, quand même, on sait ce qui se passe. Eh bien les élus n'assument que très rarement leur situation d'employeur. Ça ne les intéresse pas de savoir proprement licencier quelqu'un. Donc, très souvent, il y a des dépressions et les salariés sont en dépression. Ils sont malheureux parce qu'ils ont mis toute leur énergie et ils sont parfois licenciés de manière presque non conforme, entre guillemets. Je le dis, c'est ce qu'on m'a rapporté, ce que deux syndicalistes ont rapporté non conforme, notamment une femme qui est à la retraite, mais qui suit les salariés des petites associations justement pour les aider à préparer leur départ. Et il est très courant que les élus… en fait, ça ne les intéresse pas. Ce qui est intéressant, c'est le projet. Donc là, il y a vraiment un manque de formation dans des grandes structures sous traitantes. Il y a, je viens de vous parler un peu de France Terre d'asile, qui est le type même d'une sous traitance de gouvernement, des pouvoirs publics, sur la question des migrants. Mais on peut dire aussi que Emmaüs Solidarité qui travaille avec les gens à la rue, qui travaille avec les migrants, qui travaillent, qui hébergent, fait de l'hébergement. On peut dire que d'une autre manière, à Emmaüs Solidarité, ils sont pris un peu dans la nasse. Ils sont un peu pris dans la nasse. La trappe à vouloir sauver le monde, si vous voulez. C'est très complexe à Emmaüs. C'est à dire que. Déjà en 1983, il y avait les nouveaux pauvres, il a fallu sauver les nouveaux pauvres, donc la question des salariés s'est posée chez eux. Et puis après, il faut toujours répondre. Or, Emmaüs était né du bénévolat.

Karl Juste, est-ce que vous pouvez préciser ce que c'était, la notion des nouveaux pauvres ?

Pascale Dominique Russo Alors, en 83 des nouveaux pauvres. Avant, il y avait des « clochards », si vous voulez. 83. C'est le début de l'austérité. Je n'ai pas de point de vue sur la question, mais disons qu'on a vu apparaître – moi qui ne suis plus jeune – on a vu apparaître dans la rue des gens pauvres et c'est ce qu'on appelait les nouveaux pauvres. Donc, pour Emmaüs, qui déjà en 54, il y avait beaucoup de pauvres – je me rendais pas compte, j'étais toute petite fille – mais déjà, il y a eu l'appel de l'abbé Pierre en 54 pour les pauvres, donc il y avait beaucoup de pauvres. C'était l'après-guerre. Mais après, il y a eu les Trente Glorieuses. Donc, tout ça avait un peu disparu quand même.

Yaël Ou en tout cas invisibilisés peut-être.

Pascale Dominique Russo Invisibilisés ? je n'ai pas d'avis éclairé là dessus. Je n'ai pas assez travaillé pour savoir. Mais en tous les cas, on ne les voyait pas. C'est vrai, voilà. Et l'abbé Pierre, Emmaüs avait fait un travail considérable, mais il n'est pas du tout question de nier le travail qui avait été fait par Emmaüs. En 2015, on va très, très vite là. En 2015, il y a déjà beaucoup de salariés à Emmaüs Solidarité, et la même problématique se repose exactement de la même façon, c'est à dire il faut répondre à la crise migratoire. Entre temps, il y a eu beaucoup de salariés. Il y a eu un statut pour les compagnons, ceux qui travaillent en 2000… alors là j'ai un oubli sur la date. Il y a eu un statut, je crois que c'est… je ne me rappelle plus. Il y a eu un statut auquel était opposé l'abbé Pierre, d'ailleurs, auquel il était opposé l'abbé Pierre, parce que pour lui, un statut où il a accepté qu'il y a un pécule qui soit donné aux compagnons, c'est-à-dire les personnes qui sont à la rue et qui travaillent gratuitement, mais ils ont le gîte et le couvert quand même… et 2015, on fait un parallèle rapide, 2015, il y a eu ce qu'on appelle la crise migratoire. Je déteste ce mot, mais il est connu et remonte aux guerres du Moyen-Orient. Et donc, il a fallu aussi répondre. Il y avait un certain professionnalisme, Emmaüs avait accepté du salariat. Il y avait 500 à 600 salariés Emmaüs Solidarité qui intervient en Ile de France, et un peu plus largement. Mais c'est tout. Il fallait répondre à tout prix. Une forme de dé-professionnalisation s'est instituée et la souffrance au travail s'est renforcée, si vous voulez.

Karl Le prix, c'était les salariés.

Pascale Dominique Russo Voilà et le prix aussi, c'était une relative de professionnalisation. Voilà, ça, c'est un aspect des choses chez Emmaüs. Mais ce qui est intéressant aussi, c'est que depuis longtemps, si vous voulez, Emmaüs travaille avec des gens de la rue. Donc, c'est intéressant de savoir qu'elle fait aussi monter des gens de la rue, qu'elle fait du social dans le social, si vous voulez. C'est-à-dire qu'elle fait monter des gens de la rue, mais ce n'est pas toujours simple parce que des gouvernances de personnes qui ont été à la rue, c'est pas forcément des gens qui savent très bien manager non plus les autres. Vous voyez, c'est complexe. Mais si vous voulez là aussi, Emmaüs pour revenir à la comparaison avec France Terre d'Asile, c'est que là aussi, Emmaüs a été pris dans la nasse, c'est à dire qu'il faut aussi baisser les coûts de journée, être dans le quantitatif, se dé-professionnaliser. Voilà, c'est très compliqué pour eux parce qu'ils ont la concurrence. Ils ont la concurrence de SOS, ils ont la concurrence de Coallia, ils ont les concurrences, donc ils se retrouvent dans une forme dé-professionnalisation et on répond et on répond. C'est à dire, l'Enfer, parfois, est pavé de bonnes intentions. Mais alors je dis ça, je ne traite pas Emmaüs de la même façon – d'ailleurs, dans le livre, ça se voit – de la même façon que SOS ou… mais ils sont quand même pris dans cette nasse. Et pour en revenir, ils sont aussi dans une forme de sous traitance, et même s'ils sont partenaires, même s'ils ont des plaidoyers très, très durs vis-à-vis du gouvernement sur l'immigration, sur la pauvreté, ils restent dans un plaidoyer. Mais il y a une espèce de contradiction. Et pour les salariés, pour les salariés, c'est très difficile. Et dans mon livre, je raconte un peu l'histoire du salariat. Pour avoir un service RH à Emmaüs – donc ça, c'est une histoire ancienne – il a fallu attendre 2012. C'est dire ; il y a eu une grève de trois jours. C'était impossible pour les salariés d'Emmaüs de faire grève, parce qu'il y a la figure de l'abbé Pierre, parce que c'est quelque chose d'impensable. On ne peut pas faire grève, et on travaille avec des gens, les compagnons, qui gagnent 400 euros par mois. Et quand on gagne 2500, on est riche, on est pratiquement riche, ce qui n'est pas vrai, mais bref, on est riche. Donc oui, il y a un témoignage de Frédéric Amiel à ce sujet là qui dit « comment pouvai-je demander de l'argent alors que je sais qu'il y a des gens qui sont là qui gagnent rien du tout ? » Donc, si vous voulez, tout ça fait que la condition salariale à Emmaüs, elle s'est durcie. Mais elle est anciennement très délicate et très délicate et elle s'est durcie. Mais il y a des syndicats et sur le plan salarial, on ne peut pas dire qu'Emmaüs traite mal ces gens. Ça, par contre, ils ont souvent été bien payés. C'est plus cette contradiction. Travailler avec des gens très pauvres et une dé-professionnalisation avec l'arrivée… enfin je vous rapporte ce qui m'a été dit, c'est l'enquête.

Yaël Ce qui est assez intéressant dans ce que vous dites, c'est : premièrement qu'on voit, quand vous parlez de ce changement d'approche qui, visiblement, n'est pas lié à une décision que Emmaüs – du coup France Terre d'Asile, ça, c'est encore autre chose – a pris seul, mais que ça vient finalement dans un contexte plus structurel où, à un moment donné… on a parlé de la précarité croissante du secteur associatif. Est-ce que vous identifiez comme ça des espèces de grandes raisons qui dépassent les associations et qui font que les associations essayent un peu de s'adapter ou de suivre ou de survivre d'une certaine manière ou du coup, comme tu le disais Karl, elles sont obligées de sacrifier leurs salariés. Et du coup, l'autre point qui est quand même assez intéressant dans la discussion qu'on a, c'est qu'en fait, ce sont des salariés normalement ils sont quand même soumis au Code du travail. Or, dans les témoignages qu'on a, entre les horaires qui sont complètement dépassés, alors en plus, dans ce que vous disiez, c'est un peu ce que nous disait en off Matthieu de Finacoop qui vient souvent nous donner son expertise comptable et juridique sur ce plateau qui parlait d'héroïsme militant. Comme si le fait de s'engager pour une passion faisait que, du coup, le droit sautait. Donc, la question peut-être un peu naïve, donc, c'est premièrement, je reformule. Premièrement, est-ce qu'il y a des raisons structurelles auxquelles sont soumises les associations et qui les oblige à agir comme ça ? Et deuxièmement, comment ça se fait, en fait, que le droit du travail passe à la trappe ? Et du coup, je vois que Patrick a envie de répondre et trépigne. Si vous voulez vous pouvez commencer et Pascale-Dominique vous rebondissez.

Patrick Pozo Ce que dit Pascale-Dominique, ça résonne vraiment. Parce que vous avez vraiment touché du doigt un problème de fond sur notre structuration du monde associatif, en tout cas dans ce domaine là. Parce que, et c'est là où il faut remettre les choses, appeler un chat un chat ou une poule une poule, je ne sais pas trop quoi, mais l'ingénierie sociale et les professionnels qui la porte, c'est un vrai métier. Donc, on ne peut pas dé-professionnaliser, comme vous le dites fort justement, quelqu'un qui a été formé pendant 4 ans, pendant 5 ans, qui a maintenant d'expérience. Et donc à partir du moment où on ne reconnait pas l'ingénieur social comme un avocat ou un médecin ou un ingénieur, on le confonde, on l'amasse un petit peu plus général du bénévolat à l'association. Je pense qu'il y a deux points à faire. Ne pas confondre si vous voulez le militantisme qui lui est essentiel pour se battre pour des droits et qui s'appuie sur du bénévolat parce que c'est fondamental qu'il le soit – le bénévole qui porte des valeurs et un sens – de la mise en œuvre d'une ingénierie sociale qui, elle, nécessite d'être professionnelle. Et donc, si vous mêlez un bénévole – il ne faut pas confondre valeur, engagement, militantisme – et salarié avec des valeurs portées, en mettant en œuvre un atout professionnel. Et c'est là où aujourd'hui, ces grosses associations qui se sont laissées embarquer par le bateau. Qui pour vivre, parce que pour vivre, il faut avoir des commandes publiques et comme c'est des commandes publiques qui sont faites sur le nombre de places, le nombre de personnes que vous accompagnez. Plus vous accompagnez, plus vous êtes riche. Et donc, pour répondre aux appels à projets ce qu'ils font, ils font ça. Nous à Grim, on a décidé que l'on mesure notre impact et qu'on ne répondait pas à l'appel à projets si on est en sous-effectif. Et on remet le professionnel au centre du dispositif de l'entreprise, entre guillemets, au sens organisation qu'est Grim. Et voilà. Et puis on déporte le bénévolat dans les murs, donc les gens qui viennent, qui font des affiches, ce que vous voulez, mais ce n'est pas le salarié qui s'en occupe. Il est dedans parce qu'il va dans ces espaces. Il a besoin de ces valeurs là. On refait de l'éthique, des valeurs…

Yaël Voulez que je répète les questions ou vous les avez ?

Pascale Dominique Russo Il y avait la question structurelle. Et puis, la deuxième question sur le Code du travail. Donc, sur les raisons structurelles. Je vais aussi réagir à ce qu'a dit Patrick Pozo. Je crois que elles sont comme vous dites, elles ne sont pas toujours obligées, elles sont entraînées dans une espèce de mouvement, mais elles le font plus ou moins. France Terre d'asile, c'est clair, il n'y a pas de problème, on y va, on est sous traitant de l'État. C'est beaucoup plus complexe chez Emmaüs. Je veux quand même dire un mot rapidement sur SOS. Eux, c'est carrément : on est une entreprise sociale, on fait du business, on fait du social business et c'est franchement ça. On gagne tous les appels d'offres parce qu'on a les équipes pour ça. On a la surface, on y va, c'est bon, on gagne. On est en plus très proche du gouvernement. On est au bureau politique de LREM, au bureau exécutif, s'il vous plait, on choisit même les candidatures. Donc là, il n'y a aucun problème, aucun problème. Tout va bien. Le jour où Philippe annonce un appel d'offres pour les cafés dans les campagnes, le jour même, le soir même, SOS a gagné l'appel d'offres. Enfin bon. Et je ne vais pas me gêner pour le dire parce que c'est vérifié. Donc, ça, on le sait. C'est une mainmise, si vous voulez. Et effectivement, ils achètent beaucoup, et ils reprennent, ils filialisent énormément d'associations, donc ça. Peut-être que c'est bien. Peut être que c'est bien parce que aussi ces associations mourraient, attention. Et je ne dénie pas le droit à Jean-Marc Borello d'avoir fait un travail excellent au début et innovant dans des lieux de répit ou sur la drogue. A mon avis, il a beaucoup de choses à faire et à Paris notamment, il pourrait faire beaucoup, beaucoup de choses autour des problèmes de toxicomanes de Stalingrad. Pour en revenir à la question de l'inspiration. Moi, je la fais revenir structurellement. Elle date des années pour moi 2000. J'en parle dans mon livre. Je pense que le secteur associatif est devenu un sous traitant avec la LOLF [Loi organique relative aux lois de finances], c'est à dire qu'il n'y a plus que le quantitatif. Mais ça s'est installé petit à petit à partir de 2006. C'est à dire que l'innovation et je ne suis pas la seule à le dire, il y a beaucoup d'études universitaires, Viviane Tchernonog, qui explique que ça tue l'innovation des petites et moyennes associations. On est dans un secteur où vont mourir les petites et moyennes associations. En témoigne effectivement les rachats, les filialisations qu'effectue SOS. Donc, si vous voulez là, l'innovation est en danger, l'innovation sociale. C'est même étonnant ce que faisait SOS il y a 30-40 ans, ce n'est plus possible aujourd'hui parce qu'il n'y a plus de moyens. Voilà. Et donc, c'est parce qu'on est dans le quantitatif. Et même à Emmaüs, on est dans le quantitatif. C'est ce que rappelle une salariée, c'est à dire que tout le temps d'accompagnement d'un migrant à la préfecture pour qu'il ait un statut, tout ça n'est pas compté. On remplit des cases, on remplit des cases, c'est tout le travail social et on ne remplit que des cases. Et donc ça, ça vient de la loi organique de finance, la LOLF, de 2000 et c'est une approche quantitative qui s'est peu à peu installée et dans laquelle je crains qu'on ne s'en sorte pas, sauf modification politique claire sur ce sujet là dans le rapport aux associations. Vraiment, c'est un choix qui s'est peu à peu installé et il faudrait sortir de cette logique de sous traitance pour revenir à une logique de partenariat et d'élaboration des politiques publiques en commun. C'est-à-dire être vraiment des corps intermédiaires reconnus comme corps intermédiaires élaborant des politiques publiques. C'est ce que disait Nicole Hirsch, qui est une ancienne de la DGAS, de la Direction des affaires sociales générale, c'est-à-dire rétablir un partenariat d'élaboration. Et je pense que sociétalement et socialement, ce serait excellent pour la société, c'est à dire que les corps intermédiaires jouent ce rôle là et qu'on ne soit plus des individus seuls face à l'Etat. Enfin, je pense qu'il y a quelque chose qui se joue profondément et politiquement.

Yaël Merci beaucoup Pascale-Dominique. Je vois que Patrick…

Patrick Pozo Je fais juste modération par rapport à ça parce que c'est important qu'on le sache. Effectivement, il y a une masse critique dans ce système là, donc les gros, ils sont sur des politiques, on va dire de grande ampleur, Emmaüs, etc. Et les petits, 30 salariés en moyenne dans le secteur, quand vous avez 30 salariés, vous ne pouvez pas innover. Donc souvent la souffrance au travail, ils sont isolés au fin fond de l'Ardèche je ne sais pas quoi. Donc il va y avoir soit des groupes SOS qui vont les racheter parce qu'ils ont l'opportunité, soit etc. Cependant, je prends l'exemple de Grim parce que c'est pour ça que j'ai choisi d'être président ici, j'aurais pu le faire dans de plus grandes et parce que la taille, je pense 160-200 salariés, il faudrait peut être peut être 50 salariés de plus. Pourquoi ? Parce que il existe dans le Code de l'action sociale et des familles, dans le financement du médico-social, il y a l'aspect financement classique de l'appel à projets pour le tout commun. Mais sur les dispositifs innovants que vous pouvez faire, on est en co-construction avec l'Etat. Aujourd'hui, nous, on travaille sur l'habitat inclusif. C'est le nouveau sujet de demain. C'est plus on passe du logement au foyer ou à l'habitat. Nous, on a une expertise dessus. On est en négociation avec nos financeurs qui ont un intérêt. Comme on est petit, ce partenariat se fait et probablement on va avoir des fonds, ce qu'on appelle des fonds d'expérimentation ; l'article 51 du Code des familles qui permet de le faire. C'est à dire qu'il faut à la fois avoir une vision de contexte et l'enjeu, à la fois une vision managériale pour dire quelle est ma taille critique. Alors, quand on est 30, on ne peut rien faire. Quand on est 30 salariés, quand on est 2000-3000, ça commence à faire beaucoup pour pouvoir avoir justement cette souplesse d'ingénierie sociale qui permet de répondre. Parce qu'il ne faut pas répondre collectivement aux besoins, les besoins sont des sujets de droit, c'est des besoins individuels. Donc, aujourd'hui, on travaille sur un dispositif inclusif sur des signes ou pas, sur des appartements inclusifs, pour 3-4 personnes, ça va toucher 8, 10 personnes. C'est ça le sujet et qui ne seront plus à la rue, etc. Et donc, sur ces sujets là, quand on est innovant, alors quand on montre aussi qu'on régule nos activités et qu'on les compte, etc. On est en co-construction avec les pouvoirs publics, mais sur cette masse là, donc c'est des masses comme 100-200.000 euros. Effectivement, je suis d'accord avec vous. La LOLF est venue tout appuyer sur les grosses grosses structures. Il n'y a plus de possibilités, mais il reste encore des espaces.

Pascale Dominique Russo D'accord.

Patrick Pozo Pas beaucoup, mais il en reste.

Yaël Merci beaucoup pour ces précisions. Comme l'heure tourne et qu'il nous reste une dizaine de minutes….

Pascale Dominique Russo Droit du travail ?

Yaël Alors peut être rapidement le droit du travail. Et puis après, si vous voulez bien comme ça, on va finir quand même sur… alors je ne sais pas si c'est une petite touche d'optimisme, mais en tout cas sur les dispositifs qui sont à disposition des salariés ou des dirigeants d'associations pour traiter ces sujets là en interne. Un petit mot sur le code du travail.

Pascale Dominique Russo Juste sur le droit du travail. Je n'ai pas rencontré dans l'enquête véritablement, hormis à France terre d'asile où la convention collective n'était pas respectée. Je ne peux pas dire que le droit du travail n'est pas respecté. Et voilà. Et dans les petites structures, effectivement toutes petites, minuscules. Effectivement, le droit du travail ne semble pas respecté. Voilà le point de vue, mais il faut être nuancé sur ce sujet. France Terre d'asile, la convention collective n'était pas respectée lorsque j'ai enquêté. Peut-être que maintenant, les syndicats ont obtenu qu'elle le soit. Voilà. Et puis, voilà ce que je peux dire.

Yaël Merci beaucoup pour ces précisions. Peut-être maintenant passer à la troisième partie… vas-y Karl.

Karl Effectivement, oui. La troisième partie pour finir, peut être sur une touche d'optimisme. Ou en tout cas, une touche de solution peut-être plus, sur les dispositifs qui sont à disposition des dirigeants associatifs pour prendre en compte ces risques psychosociaux. Et donc, moi, je témoigne à titre très personnel, c'est quelque chose que je ne connais pas du tout. Pourtant, on commence à avoir des employés dans mon association. Quels sont les dispositifs ? Quels sont les outils qu'on peut utiliser, qu'on peut mettre en place et qui vont nous permettre de prévenir ces risques ? Peut être Patrick pour commencer ?

Yaël Ou déjà de les identifier.

Patrick Pozo Moi, je suis optimiste puisque je suis là et je porte cette association, sinon je n'y serai pas. Donc, on voit qu'il y a des fenêtres qui peuvent s'ouvrir, etc. Après les dispositifs, alors la difficulté… j'étais avant haut-fonctionnaire, donc, je deviens aujourd'hui bénévole président avec des fonctions qui sont un peu identiques à avant. Et puis, vous avez autour de vous des bénévoles et qui n'ont pas nécessairement été formés au droit du travail parce que l'un était médecin, psychiatre, donc qu'ils n'ont pas été formés au management stratégique, parce que l'autre était directeur de je ne sais quoi. Vous avez du bon niveau, mais vous n'avez pas de personnes nécessement adéquates avec votre projet. Et alors soit il est porté avec des gouvernances faibles et c'est la direction générale qui les porte. Et là, c'est aussi le risque de mélanger le politique et les opérations, ou l'inverse. Une ingérence de la gouvernance dessus. Il existe un ensemble de fédérations, l'Uriopss, l'Uniopss, qui font des formations adaptées, lourdes avant les prises de postes pour les gens… et bah Karl, si demain vous voulez avoir des idées là dessus…

Yaël Est ce que vous pouvez peut être nous redire le nom ?

Patrick Pozo L'Uriopss, Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, qui fait partie de l'Uniopss, l'Union nationale… ce sont des fédérations familiales au départ, qui pilotent aussi des trucs et qui mettent en place des formations. Vous avez les CREAI, les comités régional qui… je suis en train de monter justement une formation avec eux pour les futurs gouvernants. Vous avez des dispositifs existants qui sont pour la gouvernance.

Karl Donc, c'est essentiel de se former, en fait.

Patrick Pozo Ce n'est pas essentiel… Si vous voulez, le bénévolat et la bonne volonté est insuffisante, justement parce qu'on déprécie. Et je suis heureux que vous l'ayez dit, écrit. C'est que quand vous dé-professionnalisez des professionnels, au titre de mon engagement, il y a un truc qui ne va pas. Donc, c'est essentiel qu'un dirigeant, que la gouvernance déjà ait conscience de sa responsabilité juridique d'employeur, de qu'est-ce qu'un salarié. Bon, je rappelle quand même dans le médico social, 80% des coûts, le tissu productif, ce sont des êtres humains. Ce sont des salariés à 80%. Donc, si vous méconnaissez quand vous pilotez une structure votre outil productif, entre guillemets, attention hein, l'ingénierie sociale qui est un vrai métier. Il faut se former à ça, au droit du travail. Alors ce qu'on fait souvent, nous, enfin les structures comme les nôtres, on n'a pas le luxe de se payer un RH. Donc on a des conventions partenariales avec des avocats. On a un avocat spécialiste pour la violence, on est entouré, mais il faut que la gouvernance se pose ces questions là. Comment je me finance…

Pascale Dominique Russo Alors, je voudrais juste ajouter quelque chose. Est-ce qu'on peut envisager que les bénévoles dans des associations s'intéressent aussi à la question du management et aux risques psychosociaux ?

Patrick Pozo En tout cas, moi j'ai travaillé dedans, donc j'arrive. Et effectivement, quand j'ai ouvert la porte au bénévolat, personne n'avait imaginé ça. Ils disaient « c'est difficile pour les salariés » mais dans l'approche conceptuelle de ce que sont les risques psychosociaux, les RPS, les sept domaines, qu'est ce qu'une approche QVT… donc, on a pu…

Yaël QVT. Qualité de vie au travail, j'en ai parlé au tout début dans l'édito.

Patrick Pozo Qualité de vie au travail, une approche systémique. Ce n'est pas le hamac dans le bureau. C'est important quand même de sortir ça, c'est une approche systémique, sociale, économique, performance. Et donc, avec la direction générale, on a mis en place un plan QVT, etc. qu'on a fait adopter par le conseil d'administration et voilà. Donc aujourd'hui, il est dedans et on a quelques indicateurs qui nous remontent ; on est en train de mettre en place des évaluations. On ne peut pas imaginer si vous voulez que le bénévolat puisse remplacer l'expertise. Ce n'est pas possible aujourd'hui. Alors effectivement, quand on gère une association non gestionnaire, ce n'est pas grave.

Karl Pourtant, une association de non gestionnaire peut…

Patrick Pozo Non, mais elle emploie des bénévoles, mais ils ne sont pas salariés. Ce n'est pas le droit du travail.

Karl Mais on peut avoir des salariés.

Patrick Pozo Oui, mais quand on n'en a pas. Vous comprenez ce que je veux dire. Le militant Greenpace, ils ont trois Zodiac et puis les militants. Et puis ils font du militantisme. Mais dès qu'on a un salarié, il faut s'intéresser au droit du travail et le droit du travail qui est l'obligation de l'employeur. L'employeur a l'obligation de respecter l'intégrité physique et morale de son salarié. Donc les RPS, le document unique de risque est imposé. Il est obligatoire. Donc, quand on prend ses fonctions de président, on reçoit les personnes. Où est-ce qu'on en est dans le dialogue social, comment vous faites… ce sont des outils, alors pour le coup, c'est les outils qui existent. Il n'y a rien besoin d'inventer. Il faut juste avoir une check list et d'avoir une formation d'une semaine, 15 jours.

Pascale Dominique Russo Et d'ailleurs dans les solutions, est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer… je n'en parle pas dans mon bouquin… mais est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer qu'il y ait quand même une espèce d'alerte, un système d'alerte qui soit mis en place quand il y a pas mal de turn over ? Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose comme ça, des alertes…

Patrick Pozo Ce sont des indicateurs classiques du bilan social et RH. Quand vous comparez par rapport au secteur votre taux d'absentéisme court-terme, qui est un indicateur fort du malaise. Vous ê tes au-dessus ou en-dessous. Donc ce sont des outils qui existent déjà dans la ressource humaine. C'est des outils classiques de gestion des ressources humaines.

Yaël Donc c'est vrai qu'après les petites associations qui commencent juste à employer, elles, elles sont pile à ce stade où en fait, elles connaissent pas encore ces outils et où elles sont un peu démunies.

Patrick Pozo Là, c'est le partenariat, c'est à dire qu'une association qui est sur un territoire… le milieu associatif, il est quand même relativement difficile aussi parce que je suis "propriétaire" de mes handicapés quand on voulait travailler avec d'autres – je ne vais pas vous citer de noms pour ne pas me fâcher. Comme on a spécialisé le handicap, si vous voulez les aveugles d'un côté, les sourds d'un côté, les autistes d'un côté, le handicap mental d'un côté. Chacun est spécialisé, chaque président, puisque sa richesse fait qu'il est riche parce qu'il a plus de place. Eh bien, la coopération n'est pas toujours très facile. C'est un milieu concurrentiel, et donc je crois vraiment au partenariat, à la citoyenneté. C'est à dire que j'ai un citoyen sur un territoire, il a besoin d'un outillage, je ne sais pas de lecture, mais on va prendre l association qui va lui donner ça. Donc, il faut que un futur président regarde son écosystème. Qui sont les acteurs à côté de moi, et qui peut m'aider ?

Yaël Et on va essayer de mettre des ressources au moins dans ce podcast, pour donner une première idée, notamment ce dont on a parlé. Et puis il y a aussi des guides de l'Anact.

Patrick Pozo Je vous donnerai tout ça. Oui, j'ai des ressources, si vous voulez.

Yaël Merci, ça complètera.

Karl On les mettra dans les liens de cet épisode. Merci Pascale-Dominique, merci Patrick de nous avoir accompagnés et d'avoir répondu à nos questions pour ce nouvel épisode de Questions d'Asso, donc, le podcast par et pour les assos. Et merci à vous de nous avoir écoutés. Nous espérons que cet épisode vous aura été utile et que vous aurez pris plaisir à l'écouter. Si notre discussion a pu faire écho à des situations que vous avez pu vivre, nous vous invitons chaleureusement à nous le dire en nous envoyant vos témoignages par mail à l'adresse hello(at)questions-asso.com, que vous trouverez également dans la description de cet épisode. Et puis, sachez également que nous prévoyons de réaliser d'autres épisodes sur ce thème pas forcément facile, mais essentiel, en particulier sur l'épuisement professionnel dans le secteur associatif.

Karl Pour rappel, vous pouvez nous suivre sur votre plateforme de podcasts préférés sur Soundcloud, Spotify, Deezer, Apple Music ou Google Podcasts. Vous pouvez également vous abonner à notre newsletter pour ne manquer aucun épisode et vous retrouverez toutes les informations, les liens, les ressources que nous avons évoquées durant notre discussion sur notre site web. Cet épisode a été réalisé avec le soutien de la Maif qu'on remercie chaleureusement. Aujourd'hui, c'était Réha Simon de Synchrone.TV, qui était à la réalisation. Et la jolie musique que vous allez maintenant entendre est l'œuvre de Sounds of Nowhere. Merci de nous avoir écoutés et rendez vous le mois prochain pour un nouvel épisode de Questions d'Asso.